Lola Arrouasse Laureate du prix jeune Audiberti à Antibes

Rencontre et interview de Lola Arrouasse qui a remportée le prix Audiberti cette année à Antibes

Voici son texte :

“L’empêchée”: https://fr.calameo.com/antibes-juanlespins/read/00207450480ac926342ee


– Vous écrivez depuis combien de temps

Je crois que j’ai ressenti le plaisir de l’écriture au collège avec les écrits d’invention. J’ai commencé à écrire plus tard, pendant mes études de cinéma. C’est peut-être en analysant des séquences de films que le canal de l’écriture s’est ouvert. Parler des images a libéré quelque chose ; j’ai compris que j’avais une voix et un regard.

– Quels sont vos thèmes de prédilection ?

Je ne me dis jamais que je vais aborder tel ou tel thème, c’est le mouvement du texte qui est premier. Si des thèmes apparaissent, c’est grâce à ce mouvement qui part souvent du corps pour aller vers la vie et la mort.

– Est-ce difficile pour vous d’écrire ou facile ?

C’est facile quand le canal est ouvert mais il peut être difficile de garder le canal ouvert.

– La jeune génération lit moins, que diriez-vous pour les inciter à lire ?

Je ne dirai pas qu’elle lit moins, je dirai qu’elle lit autrement, sur différents supports. J’aimerais qu’il y ait dans toutes les écoles et dès le plus jeune âge des ateliers de lecture et d’écriture en lien avec la poésie. La poésie est un espace de liberté qu’il faut propager.

– Quelle est votre actualité, ce que vous faites en ce moment, quels sont vos projets pour l’avenir ?

Actuellement je travaille à plusieurs textes destinés à des revues. Début 2023, un de mes poèmes paraîtra dans la revue Lieu Commun, une revue liée au département de langue et littérature françaises de l’Université McGill à Montréal et on pourra aussi me lire dans le deuxième numéro de la revue Preta. En décembre 2022, j’ai été invitée par Chloé Delaume à lire lors de la petite veillée une sélection de poèmes Chez Mona, à Paris. En juillet je serai en résidence d’écriture dans le cadre des Semaines émergentes de la Villa Valmont pour un projet d’écriture plus long.

– Quelles causes vous tiennent à cœur dans la vie ?

J’aimerais qu’on les lise dans mes poèmes. Comme je le disais il ne s’agit pas d’un message à faire passer mais d’un mouvement. Ce mouvement est un geste politique en soi, surtout s’il se transmet par le biais de lectures collectives publiques comme chez Mona grâce à Chloé Delaume, dans cet espace dédié aux femmes et à leurs projets, mais aussi lors de scènes ouvertes organisées par le collectif Le Krachoir fondé par des auteur.e.s issu.e.s du master de création littéraire de Paris VIII. Ces personnes engagées dans une lutte intersectionnelle proposent chaque mois un espace de parole et d’écoute sous la forme d’un micro ouvert créant une transmission horizontale et un élan impressionnant. La scène ouverte du Krachoir était la première où j’ai lu un texte en public et ce collectif fabrique aussi un fanzine du même nom dans lequel j’ai eu la chance de publier un texte par la suite. Ce que mettent en œuvre toutes ces personnes me tient à cœur.

Par Juliette Espinasse Dubois Redactrice en chef Fashion Art Perfumes magazine

Audiberti ? Un magicien du langage

Né dans Antibes au crépuscule du XIX° siècle et mort à Paris au milieu du XX°, il a poursuivi la lancée des réformateurs de la poésie, Hugo, Zola et Mallarmé.

On connait un peu son théâtre, Le Mal court par exemple, qui rivalise avec Beckett ou Ionesco. Il a écrit vingt-cinq autres pièces montées par André Reybaz, Georges Vitaly et Marcel Mréchal, vingt-trois romans dont Marie Dubois (qui donnera son pseudonyme à l’actrice) et quinze recueils de poèmes (premier Prix Mallarmé). Audiberti est aussi peintre et dessinateur, ami de Léonor Fini avec qui il a écrit Le Sabbat ressuscité.

Son œuvre, qu’on dit baroque, est riche, forte, essentielle, déroutante parfois, détonante toujours ; elle ne se laisse que fort peu enfermer dans des cadres, dans des codes. Mais c’est un plaisir sans cesse renouvelé. Sa « pensée est bousculée, harcelée, précipitée sans cesse par des sautes de verbe d’une brusquerie incomparable, selon André Pieyre de Mandiargues.

François Truffaut obtient de lui qu’il tienne une chronique de cinéma (Le Mur du fond, Cahiers du cinéma, 1996)et s’inspire de ses romans pour certains de ses films. Ami de Claude Nougaro, Audiberti préface son deuxième disque : « Victor Hugo aimait le jazz. […] Avec le taureau Nougaro, le poète, celui qui sait écrire, débouche en force dans la noire arène du disque, afin que, de nouveau, retentissent la nuit, la femme, les chambres, la pluie, la femme surtout, hors du lit desséché des livres. »

Il est urgent de lire cet auteur inclassable, dont toute l’œuvre est le poème épique de notre époque. Tout part d’un éblouissement à Antibes et fait des allers-retours jusque dans les rues de Paris. Audiberti ne fait pas de littérature. Il écrit.

(Cf. Bernard Fournier, Métamorphoses d’Audiberti, une biographie, 1899-1965, Le Petit pavé, 2020.) Bernard Fournier