Audiberti ? Un magicien du langage

Né dans Antibes au crépuscule du XIX° siècle et mort à Paris au milieu du XX°, il a poursuivi la lancée des réformateurs de la poésie, Hugo, Zola et Mallarmé.

On connait un peu son théâtre, Le Mal court par exemple, qui rivalise avec Beckett ou Ionesco. Il a écrit vingt-cinq autres pièces montées par André Reybaz, Georges Vitaly et Marcel Mréchal, vingt-trois romans dont Marie Dubois (qui donnera son pseudonyme à l’actrice) et quinze recueils de poèmes (premier Prix Mallarmé). Audiberti est aussi peintre et dessinateur, ami de Léonor Fini avec qui il a écrit Le Sabbat ressuscité.

Son œuvre, qu’on dit baroque, est riche, forte, essentielle, déroutante parfois, détonante toujours ; elle ne se laisse que fort peu enfermer dans des cadres, dans des codes. Mais c’est un plaisir sans cesse renouvelé. Sa « pensée est bousculée, harcelée, précipitée sans cesse par des sautes de verbe d’une brusquerie incomparable, selon André Pieyre de Mandiargues.

François Truffaut obtient de lui qu’il tienne une chronique de cinéma (Le Mur du fond, Cahiers du cinéma, 1996)et s’inspire de ses romans pour certains de ses films. Ami de Claude Nougaro, Audiberti préface son deuxième disque : « Victor Hugo aimait le jazz. […] Avec le taureau Nougaro, le poète, celui qui sait écrire, débouche en force dans la noire arène du disque, afin que, de nouveau, retentissent la nuit, la femme, les chambres, la pluie, la femme surtout, hors du lit desséché des livres. »

Il est urgent de lire cet auteur inclassable, dont toute l’œuvre est le poème épique de notre époque. Tout part d’un éblouissement à Antibes et fait des allers-retours jusque dans les rues de Paris. Audiberti ne fait pas de littérature. Il écrit.

(Cf. Bernard Fournier, Métamorphoses d’Audiberti, une biographie, 1899-1965, Le Petit pavé, 2020.) Bernard Fournier